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Règlements de comptes à OK Casseroles

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La littérature policière, tout comme ses pendants télévisuels et cinématographiques, a souvent fait la part belle à la gastronomie, qu’elle soit constituée de spécialités locales ou de mets raffinés. A contrario, on peut aussi mentionner le thème récurrent du détective qui, totalement obnubilé par l’enquête en cours, en vient à oublier de se sustenter – mais pas de s’abreuver, étrangement.

Roman noir et cuisine ont de tous temps entretenu des relations complexes et privilégiées.Tout semble avoir débuté avec le Bérurier des San Antonio et Manuel Vasquez Montalban, qui met en scène les prouesses culinaires de Pepe Carvalho (c’en est d’ailleurs au point que ses recettes ont fait l’objet d’éditions spécifiques). Digne héritier et grand admirateur de ce dernier, on peut aussi citer le sicilien Andrea Camilleri et son commissaire Montalbano, aussi redouté pour son coup de fourchette que pour ses capacités déductives (La saison de chasse, Le voleur de goûter). Sans oublier les polars historiques de Michèle Barrière (Souper mortel aux étuves, intrigue médiévale où poissonniers, bouchers, maraîchers, rôtisseurs rythment les avancées de l’enquête, ou Meurtres au potager du Roy, qui accorde aux légumes de Louis XIV un rôle prépondérant dans l’élucidation de l’énigme.)

Au petit écran, on ne saurait oublier le commissaire Maigret, féru de blanquette de veau et dont la lenteur des enquêtes rappelle la préparation de plats mijotés, ainsi que Les Sopranos, où conciliabules comme festivités ont souvent lieu lorsque les membres de la « famille » sont attablés devant des plats rappelant à tous leurs origines.

Et au cinéma, on peut citer entre autres Le silence des agneaux – où Jonathan Demme fait dire à Hannibal Lecter, en parlant de son psychiatre : « J’ai dégusté son foie avec des fèves au beurre et un excellent Chianti » – ou le graphiquement superbe Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway, qui se déroule presque exclusivement dans un restaurant haut de gamme et se clôt par la dégustation d’une délicatesse rare.

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En mai, fais ce qu’il te plaît !

« Mon prénom, c’est Aimé. Comme quoi ça veut rien dire. Vous allez voir, je sais pas raconter les histoires. »

En ce joli mois de mai, Monsieur Louis repose sous un arbre, une balle de fusil dans la gorge. Etant donné qu’il a légué sa maison de campagne, transformée en hôtel pour chasseurs citadins, et l’ensemble de ses biens à cinq de ses clients choisis au hasard, c’est à Aimé que revient la tâche d’accueillir, à cette période inhabituelle de l’année, ces étranges héritiers chasseurs en attendant le notaire.

Parlons-en de ces invités ! Un policier à la retraite qui met tout le monde mal à l’aise, un ex-militaire tellement discret qu’on a du mal à se rappeler qu’il existe, un tenancier de bordel homosexuel (le tenancier, pas le bordel) habillé et maquillé comme un clown – accompagné de son chien, Pistache – et un couple véreux, dont la moitié féminine fait tout pour mettre en valeur ses protubérances mammaires abondantes. Et tout ce beau monde est bien trop obnubilé par l’héritage que pour avoir une pensée émue pour le mort.
« Ca le regarde pas le policier, pourquoi que Martial a tout qui lui manque d’un côté, plus de cheveux, plus de bouche, plus de narine, plus de joue, plus d’oreille et plus d’oeil, rien que sa peau de caoutchouc avec des trous-trous couleur brûlé. »

Pour aider Aimé, il n’y a que Martial, une force de la nature au caractère de cochon. Mais depuis l’accident qui l’a défiguré, Martial n’aime pas quand des étrangers lui regardent la tête. Et depuis qu’il a trouvé le cadavre de Monsieur Louis, dans un état de décomposition avancé, il bégaye, a perdu le sommeil et l’appétit. Alors c’est plutôt de six personnes et d’un chien qu’Aimé doit finalement s’occuper. Enfin, bientôt cinq, vu que Paulette Truchon se sent tellement mal de devoir partager l’héritage qu’elle se retrouve bientôt allongée sur le parquet, les seins à l’air, mais néanmoins morte.

L’histoire devient alors un croisement complètement déjanté entre une partie de Cluedo et les « Dix petits nègres » d’Agatha Christie. Les candidats-héritiers ont évidemment tous quelque chose à se reprocher et on en vient rapidement à se demander s’ils ont bien été désignés par le hasard. On apprendra aussi comment Martial a été défiguré, qui sont les parents d’Aimé, et bien d’autres choses encore…

Extraits choisis

(le commandant Lyon-Saëck, l’ancien policier, parle de l’héritage à Aimé)
« (…) et le dernier héritier, dont je n’ai d’ailleurs pas bien saisi le patronyme, prendra ce qu’il reste … les économies de Monsieur Louis, l’armurerie, le commerce des porcs, l’étang et que sais-je encore. »
Patronyme, ça veut dire nom. C’est un mot compliqué qui remplace un mot normal que tout le monde connaît. Il y a des gens qui parlent exprès avec des mots compliqués alors qu’ils connaissent les mots normals correspondants. Les mots compliqués c’est pas des gros mots mais ça vous injurie pire que des connards ou des salauds ou tous les noms d’oiseaux. Les gens qui parlent avec des mots compliqués c’est pour bien vous faire comprendre que eux c’est eux et vous c’est moins que ça. Lucette dit que le langage c’est comme la façon qu’on marche, ça dit d’où qu’on vient et surtout d’où qu’on vient pas. Lucette, elle vient de deux endroits à la fois vu qu’elle a eu une bonne éducation chez son père et une mauvaise dans le foyer d’accueil qui comme son nom l’indique l’a accueillie et qui comme son nom ne l’indique pas l’a tapée avec une planche en bois pendant cinq ans.

 

Pour rigoler, j’ai demandé : « Vous avez combien de filles, en tout, Monsieur Milou ? »
Il a regardé Pistache au cas où c’est lui qui répondrait.
« Voyons voir… Pistache… Combien on a de petites ? Le problème, c’est que c’est délicat… Il y a les temps pleins et celles qui font que des demi-journées…
Mais si vous comptez que deux demies ça fait une pleine, combien vous avez de filles ?
C’est plus compliqué que ça… Les mi-temps font toutes les nuits et rapportent presque autant que les filles à temps plein. Et puis elles tombent moins malade… Sans compter qu’elles sont souvent plus jeunes, plus jolies et qu’elle enchaînent évidemment plus.
Elles enchaînent plus de quoi ?
D’hommes ! Qu’est-ce que vous voulez enchaîner, Modeste ? Des couplets ? »
Le commandant et son allure ont fait une grimace parce qu’ils ont le respect de la loi et que les bordels c’est pas permis.
« Alors bon, vous savez pas exactement…
Mais si, je sais parfaitement ! Si je compte comme vous avez dit, j’ai onze filles… environ.
Ah, ça tombe pas juste ?
Dix et demie pour être précis.
Et vous, monsieur le commandant, vous avez d’autres filles, à part celle qui se marie ? »
Oh qu’elle était mécontente la tête du commandant.
« il y a fille et fille, nom d’un chien ! »
Pistache a aboyé, parce qu’il aime pas qu’on parle de sa race comme ça.
« Pardon, monsieur le commandant, je voulais pas dire par là que votre fille aussi est une dame qui reçoit de l’argent pour faire ce que la plupart des dames font gratuitement. »

Le joli mois de mai (Emilie de Turkheim)
Le Livre de Poche #33224 5,10€

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Diableries

Le Livre de Poche #33260, 7,10€

Sacrifices

1945, Ohio : Willard revient du Pacifique, traumatisé par les horreurs de la guerre. Pendant le trajet qui le ramène chez lui, il rencontre Charlotte, serveuse dans un diner, qu’il décide d’épouser et ils ont rapidement un fils, Arvin. Mais Charlotte tombe gravement malade et Willard commence à donner en sacrifice à Dieu toutes sortes de créatures, afin de la sauver. Mais Dieu ne l’écoute pas : Charlotte meurt et il décide de l’accompagner, laissant Arvin à la garde de sa grand-mère.

Chasseurs

1965 : Carl, le photographe et Sandy, l’appât, sillonnent les routes à la recherche d’auto-stoppeurs. Ceux qu’ils rencontrent deviennent les vedettes de séances photo glauques et fatales. Pendant ce temps, le Shérif Lee Bodecker – frère de Sandy – a arrêté de boire, mais pas de participer aux intrigues louches d’édiles locaux. Il est très contrarié d’apprendre que Sandy se prostitue au rabais, car cela pourrait nuire à sa réélection.

Orphelins

Arvin et Lenora sont tous deux élevés par Emma, la mère de Willard, et son mari. Pendant ce temps, Roy, le prédicateur itinérant père de Lenora et Théodore, le musicien handicapé (et amoureux de lui) qui l’accompagne, vont de cirques en églises, subsistant tant bien que mal.

Les routes de tous ces personnages hantés par le Diable vont finir par se croiser dans une apothéose sanglante, où Pollock démontre avec force qu’avoir arrêté les études à 18 ans pour travailler dans une usine de pâte à papier n’empêche nullement, 32 ans plus tard, d’entamer avec brio une carrière d’écrivain !

Extrait :

Un jour, Arvin alla chercher Lenora à la sortie du lycée et la trouva acculée à l’incinérateur d’ordures à côté du garage des bus, cernée par trois garçons. Tandis qu’il arrivait derrière eux, il entendit Gene Dinwoodle lui dire : « Merde, t’es tellement moche qu’il faudrait que je me mette un sac sur la tête pour pouvoir bander. » Les deux autres, Orville Buckman et Tommy Matson éclatèrent de rire et se rapprochèrent d’elle. C’étaient des élèves de terminale qui avaient une ou deux années de retard et tous étaient plus grand qu’Arvin. Au lycée, ils passaient la majeure partie de leur temps assis dans l’atelier, à échanger des blagues cochonnes avec le bon à rien de professeur de travaux manuels et à fumer des Bugler. Lenora avait fermé les yeux, très fort, et commencé à prier. Des larmes roulaient le long de son visage. Arvin n’eut que le temps de délivrer quelques coups à Dinwoodle avant que les autres ne le plaquent au sol et ne le frappent tour à tour. Allongé sur le gravillon, il pensait, comme ça lui arrivait souvent au cours d’une bagarre, au chasseur que son père avait tabassé si violemment, ce jour-là, dans la boue des toilettes extérieures. Mais à la différence de cet homme, Arvin ne renonçait jamais. Si le concierge n’était pâs arrivé avec un chariot de cartons à brûler, ils auraient pu le tuer. Sa tête lui fit mal pendant une semaine, et pendant plusieurs semaines encore il eut du mal à lire au tableau.

Ca lui prit presque deux mois, mais Arvin parvint à les avoir un par un. Un soir, juste avant la nuit, il suivit Orville Buckman au magasin de Banner. Il resta caché derrière un arbre à trois cent mètres de là et regarda le garçon sortir en sifflant un soda et en mangeant sa dernière « Little Debbie ». A l’instant où Orville passait près de lui, sa bouteille renversée pour avaler une nouvelle gorgée, Arvin avança sur la route. De la paume de la main, il frappa le fond de la bouteille de Pepsi, enfonçant la moitié du goulot de verre dans la gorge du garçon, cassant deux de ses dents de devant. Le temps qu’Orville comprenne ce qui lui arrivait, la bagarre était pratiquement terminée. Ne restait que le coup qui le mit K.O. Une heure plus tard, il se retrouva allongé dans la boue au bord de la route, s’étranglant dans son propre sang, un sac en papier sur la tête.

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La série Dortmunder (Donald Westlake)

John Dortmunder est un personnage de fiction créé par l’écrivain Donald Westlake, prolifique auteur de polars en tous genres (il a dû utiliser une dizaine de surnoms pour pouvoir écouler sa production).

Bibliographie et filmographie : http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Dortmunder

La série Dormunder (qui comprend 14 romans et 11 nouvelles) a pour personnage principal John Archibald Dortmunder, un voleur professionnel quarantenaire, pessimiste et poissard. Il est le cerveau de la bande et cohabite avec sa petite amie de longue date, May Bellamy, qui est caissière dans un grand magasin et fume comme un pompier. Contrairement à son alter ego Parker, héros de l’autre principale série, sérieuse, de Westlake, il est non violent et ses plans sont presque toujours tirés par les cheveux et improbables.

Le fait qu’il y a presque toujours quelque chose qui foire dans ses plans lui a donné une réputation de porte-poisse à laquelle, bien qu’il ne soit pas superstitieux, il lui arrive d’adhérer … au point de commencer à s’inquiéter quand tout se passe trop bien et de se sentir soulagé quand les ennuis commencent. Dans la plupart des romans, la bande n’obtient qu’une récompense ridicule au vu des efforts déployés. Selon les besoins du casse qu’il prépare, il recourt aux services de :

Andy Kelp, son meilleur ami et homme à tout faire. Au contraire de John, il est toujours enthousiaste, de bonne humeur, optimiste et regorge d’idées (souvent farfelues). Il adore voler les voitures de médecin, autant pour leur confort que pour pouvoir se garer où cela lui chante. C’est aussi un grand fan des derniers gadgets électroniques (au grand dégoût de Dortmunder, qui est très rétrograde). Etant donné que c’est souvent lui qui suggère à John le prochain coup, Dortmunder l’accuse souvent d’avoir la scoumoune. Malgré tout, Dortmunder lui reste en général fidèle, même si Kelp l’exaspère souvent, notamment à cause de son habitude de crocheter la serrure de son appartement et d’entrer chez lui sans sonner ni frapper. Kelp a une soeur, dont le fils a quitté le FBI, déçu que ses membres n’aient pas une poignée de main secrète.

Stan Murch, roux et costaud, est en général le conducteur. Accomodant, il vit avec sa mère, taxiwoman au caractère soupe-au-lait. Les voitures constituent son seul centre d’intérêt et il est sans cesse en train d’essayer de trouver les meilleurs itinéraires pour circuler dans New-York (ce qui saoûle tout le monde).

Tchotchkus « Tiny » Bulcher, une montagne de muscles originaire d’Europe de l’est. Il est décrit comme un missile intercontinental de portée moyenne, pourvu de jambes et de bras ressemblant à des extincteurs, en plus grand, et d’une tête de même type (Tiny veut dire minuscule). Il est habitué à obtenir ce qu’il veut et, vu sa force, il doit rarement se répéter. Il raconte souvent ce qu’il a fait aux confrères qu’il considère avoir fait foirer un coup mais, au grand soulagement de Dortmunder et de ses acolytes, les trouve marrants.

Quelques spécialistes apparaissent moins fréquemment dans la série. Trois experts en coffres et serrures (ils font souvent des séjours en tôle, d’où leur nombre) : Wally Whistler, très distrait, ne peut s’empêcher d’essayer de crocheter tout ce qui apparaît dans son champ de vision (il a ainsi libéré par mégarde un lion lors d’une visite au zoo), Herman Jones (Herman X lorsqu’il travaille pour ses amis noirs radicaux) et Roger Chefwick, un dingue de trains miniatures (qui finira par disparaître après en avoir volé un vrai) et un couple de chauffeurs, Fred et Thelma Lartz – seule Thelma conduit encore, depuis que Fred a failli être percuté par un Boeing après s’être fourvoyé à JFK.

D’autres personnages hauts en couleurs font partie du décor de la série. Arnie Albright, le receleur habituel de Dortmunder, vit seul dans un appartement sordide et collectionne les calendriers. Tout le monde le trouve répugnant, ce qu’il compense en offrant de meilleurs pourcentages que ses concurrents. Max, concessionnaire de voitures d’occasion, qui rachète les (nombreux) véhicules volés par la bande. J.C., la petite amie de Tiny, femme sexy très dure en affaires, qui invente sans arrêt de nouvelles magouilles (en général par courrier) : cours de détective, de poésie et de chant (!), manuel d’éducation sexuelle (où elle joue le premier rôle), … Son dernier projet en date est consacré à Maylohda (Mail Order = commande par courrier), un pays imaginaire dont elle est attachée commerciale, chargée d’obtenir les subsides de diverses organisations d’aide au développement.

Lorsqu’elle prépare un coup, la bande se réunit dans l’arrière-salle du O.J. Bar and Grill, dont le barman, Rollo, connaît par coeur les consommations préférées de tout le monde. Kelp et Dortmunder s’y partagent une bouteille du bourbon local, Murch prend une bière et une salière – en tant que conducteur, il préfère s’en tenir à une seule : le sel est destiné à restaurer le col de la bière. Tiny boit un mélange vin rouge-vodka. Les clients accoudés au comptoir ont l’art de discuter de sujets auxquels ils ne connaissent rien, ce qui finit toujours par irriter Rollo.

La série débute en force avec Pierre qui roule. Chargés par un dignitaire africain de voler l’émeraude de Balabomo, Dortmunder et sa clique oublient d’inclure la mezzanine du musée dans leurs calculs et  ne retrouvent plus la sortie (qui se trouve un étage plus bas). Un membre de la bande atterrit en prison et c’est bien sûr lui qui a le butin, caché en un endroit que la décence m’empêche de mentionner. La bande s’attaque donc à la prison pour le faire évader, mais entretemps la pierre a changé de propriétaire. Et après avoir du s’y reprendre à cinq fois pour enfin s’emparer du maudit caillou, voilà que c’est le commanditaire qui essaye de les arnaquer !

Dans Comment voler une banque, Dortmunder et Kelp profitent du fait que la banque locale, en travaux urgents, a du transférer sa succursale dans une caravane posée sur des plots de béton. Misant sur la subtilité, ils décident de la remorquer avec un semi-remorque (après y avoir fixé des roues à la six-quatre-deux) et d’aller se planquer dans un camping (quoi de plus logique ?) jusqu’à ce que les choses se tassent. Malheureusement, la peinture au latex qu’ils ont utilisée pour banaliser la banque ne résistera guère aux averses…

Jimmy the Kid raconte le kidnapping d’un fils de milliardaire qui, malheureusement pour nos héros, est un surdoué débrouillard qui leur en fait voir de toutes les couleurs.

Le reste est à l’avenant et l’ordre de lecture n’est pas très important, même si je conseillerais de lire d’abord les deux premiers volumes de la série, où sont présentés les principaux protagonistes .

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