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Quand en songeant ma folâtre j’acolle

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Quand en songeant ma folâtre j’acolle
Laissant mes flancs sur les siens s’allonger,
Et que, d’un branle habilement léger,
En sa moitié ma moitié je recolle !
Amour, adonc si follement m’affole,
Qu’un tel abus je ne voudroi changer,
Non au butin d’un rivage étranger,
Non au sablon qui jaunoie en Pactole.
Mon dieu, quel heur, et quel consentement,
M’a fait sentir ce faux recollement,
Changeant ma vie en cent métamorphoses !
Combien de fois, doucement irrité,
Suis-je ore mort, ore ressuscité,
Entre cent lis et cent merveilles roses !

(Pierre de Ronsard)

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It’s hard to decide (dedicated to the lead singer of Gratis Glas)

Dans la vie, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises décisions : il y a des choix.
Les bonnes ou mauvaises décisions sont l’exception qui confirme la règle – Hitler décidant d’attaquer la Russie en est un rare exemple.

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Boissons fantastiques

Au cas où vous ne le sauriez pas, je vous l’apprends : il existe des bières fictives tirées de la littérature, dont l’existence se résume malheureusement à quelques logos et T-shirts. Parmi celles-ci, la Mordor Dark Ale peut se targuer d’un slogan qui en jette : One beer to rule them all (une bière pour les gouverner tous). Brassée à Barad-Dûr, cette bière puissante peut provoquer, dit-on, une certaine accoutumance.

Dans le même registre, la Wizzards Old Peculiar, brassée par les sorciers d’Ankh-Morpork depuis 1983, peut avoir des effets imprévisibles. Je vous conseille de dédier la première à Terry Pratchett, il paraît que cela protège des ensorcellements.

Moins alcoolisées, la Golden Hall Pilsner, brassée à Rohan, et la As You Wish Ale devraient vous permettre de tenir toute la nuit. Et si vous en avez marre de la bière, pourquoi ne pas essayer le Cidre de Rivendell ? Délicieux, suprêmement rafraichissant, il serait aussi capable de vous faire grandir, de rendre vos oreilles plus pointues et votre peau plus délicate. Et le lendemain matin, pour se remettre, rien de tel qu’un petit Stormborn Coffee, garanti corsé par la mère des dragons en personne !

Grosse déception personnelle, quand même : la Herzwesten Dark (tirée du « Drawing of the dark » de Tim Powers) semble avoir été honteusement oubliée ! Ce breuvage a quand même sauvé la civilisation occidentale de l’envahisseur ottoman : ça mériterait quand même au moins un mug, non ?

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Saskia

« J’envie la musique qu’entendent les amoureux.

Je les vois marcher, main dans la main, côte à côte dans la file au cinéma ou dans le métro, tête contre tête, assis sur un banc dans le parc, et je meurs d’envie d’entendre la chanson qui se joue entre eux : les accords excitants de la première floraison d’une romance, les airs majestueux qui se murmurent entre un couple depuis longtemps en amour. Cela se voit à la façon dont ils se regardent, les coups d’oeil échangés, l’effleurement d’une main sur un coude, le sourire qui ne peut être aussi doux que pour l’être aimé. Si vous écoutez bien, vous pouvez presque l’entendre. Presque, mais pas tout-à-fait, parce que la musique leur appartient et que tout ce que vous pouvez en capter n’est qu’un vague écho, qui émerge par-dessus le murmure et le brouhaha aigre-doux de vos propres souvenirs, ombres en lambeaux, vibrantes d’excitation, remis en tête par quelque incident oublié, remémorés seulement tard la nuit, au petit matin. Ou à travers le bonheur des autres. »

 

Texte original :

« I envy the music lovers hear.

I see them walking hand in hand, standing close to each other in a queue at the theater or subway station, heads touching while they sit on a park bench, and I ache to hear the song that plays between them : The stirring chords of romance’s first bloom, the stately airs that whisper between a couple long in love. You can see it in the way they look at each other, the shared glances, the touch of a hand on an elbow, the smile that can only be so sweet for the one you love. You can almost hear it, if you listen close. Almost, but not quite, because the music belongs to them and all you can have of it is a vague echo that rises up from the bittesweet murmur and shuffle of your own memories, ragged shadows stirring restlessly, called to mind by some forgotten incident, remembered only in the late night, the early morning. Or in the happiness of others. »

— Charles De Lint, in « Saskia » (traduction maison).

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J’ai enfoncé tous les autres

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Ça faisait bien une heure que j’étais là, fondu dans le décor (…) Je regardais mes mains quand la porte du Directeur s’est ouverte.

Quarante ans, gras, sapé, une gueule comme je les aime. Il a balayé le bureau des yeux, humé l’air, ce mec fonctionnait comme un bœuf, tout en force. Il m’a vu. Il a pointé un doigt sur mon cœur.
« Vous, suivez-moi », il a dit.
« Moi, Monsieur ? » j’ai fait.

Ces mecs nous prenaient pour des cons. Je loupais pas une occasion. J’adorais ça. J’avais pas de cadeaux à leur faire.
« Qui voulez-vous que ce soit ? »
« C’est juste, monsieur. »
Je l’ai suivi dans son bureau, très bien le bureau. Le soleil coulait là-dedans tout entier, comme un blanc d’œuf. J’ai cligné des yeux.
Il s’est mis près de la grande fenêtre. Il m’a fait signe.
« Vous voyez ça, là ? »
« Quoi donc ? »
« Là, cette saloperie de store, il est coincé. »

J’ai vu ce gros machin rouge à franges, ce gros boyau plein de sang collé sur la façade. Ça m’a fait plaisir qu’il soit coincé. Oui, je sais bien.
« C’est ennuyeux », j’ai fait.
« Nous allons régler ça. Faites-moi la courte échelle.
Je me suis demandé si j’avais bien entendu.
« Pardon ? »
« Remuez-vous, bon sang. Je n’ai pas que ça à faire. »
« Mais c’est dangereux, monsieur. »
« Écoutez, mon ami, si vous êtes comme ça dans la vie, vous n’arriverez jamais à rien. »

Bien sûr, c’est pas moi qui passerais par la fenêtre, mais je serais accusé de meurtre, on croirait jamais un truc pareil, oh non, mais y’avait la petite graine.

Je me suis mis le dos au mur, j’ai croisé les doigts, j’ai senti la chaussure en croco pleurer dans mes mains, et hop, je l’ai hissé, putain, je dirais quatre-vingt kilos, j’ai su que je pourrais pas tenir longtemps. Je l’entendais trifouiller et jurer là-haut, ça commençait à me faire mal, je me relâchais et ça m’écrasait les couilles, hé monsieur, il répondait pas, il s’en foutait, il voulait venir à bout de ce truc, monsieur, je vais lâcher, ah merde, il disait et moi, hé, je peux plus, j’avais tout lâcher, une seconde, NON, JE VAIS LÂCHER !!

Il est descendu. Tout rouge. Tout moite. Je sentais plus mes mains.
« Ah, encore une seconde et ça y était. Bon sang, quand j’avais votre âge … »
« Je t’emmerde, connard », j’ai pensé. « T’as jamais eu mon âge. »
« J’ai pas été engagé pour faire ce genre de choses, monsieur. Faites venir quelqu’un. »
« Assez discuté. Remettez-vous en place, j’avais pratiquement terminé. »

Bon Dieu, que j’avais besoin de ce fric ! Bon Dieu, qu’est-ce qui fait qu’une poignée de mecs nous tiennent à la gorge ? Comment T’as Fait Ton Compte ?

Je me suis remis en position et le cirque a recommencé. Ça a duré un moment, maintenant j’étais persuadé que cet abruti était incapable de dévisser une ampoule, mais il était buté et y’avait pas de raison que ça s’arrête. Encore une fois, j’ai gueulé que j’avais mal, que je pouvais plus tenir et lui ça y est presque, cet enfoiré disait n’importe quoi, il était bien là-haut, ça l’amusait de bricoler un peu, DE FAIRE QUELQUE CHOSE et il avait les moyens de crever plusieurs chevaux sous lui. Alors, je l’ai supplié de descendre, je l’ai ai dit descendez NOM DE DIEU mais ça faisait rien, il se croyait au Moyen Âge, quelque chose a traversé mon cerveau, un éclair, ET MERDE, j’ai dit, j’ai tiré un grand coup sur mes bras et ce gros con s’est étalé par terre, il a roulé en grognant, mais sur le moment j’aurais pu l’envoyer valser par la fenêtre, c’était facile, nous aurions vécu quelques secondes extraordinaires tous les deux, lui plongeant et moi penché au-dessus de la rue. Mais bon, ça s’est terminé sur le tapis du bureau, ces mecs là s’en tirent toujours, enfin souvent, quoi.

Avant de se relever, il m’a regardé. Un bœuf. Je me sentais bien.
« Vous êtes viré », il a fait avec ce sourire.
« CA VA. J’EN AI RIEN A FOUTRE », j’ai gueulé. « TU M’AS PAS EU, CONNARD !!! »

Je savais bien que si, d’une certaine manière, mais peut-être qu’il s’en rendait pas compte, j’espérais. On est resté là sans bouger, comme deux cons pris dans la glace, je le regardais et c’était une farce monstrueuse que rien ne pouvait arrêter, c’était limpide. Mais pour lui, ce serait facile d’oublier.

Quand je suis sorti, il s’était pas encore relevé. J’ai pensé :
a) il est sonné.
b) il est bien.
c) il réfléchit.
d) c’est un malade.
e) Je vais lui claquer sa putain de porte.

J’ai pas pu à cause de la moquette qui freinait, ça a pas fait de bruit. J’ai traversé le bureau de Solange, elle était là je crois, j’entendais plus rien, je voyais juste droit devant moi une espèce de chemin lumineux et j’ai filé comme un zombie jusqu’à la cafétéria. J’étais Mélangé, j’avais vraiment besoin de ce fric et de ce côté-là, c’était foutu. Évidemment, j’allais quand même pas le battre pour y retourner, j’étais pas complètement atteint. Mais ça faisait chier. Pourtant, je savais que ce qui pouvait m’arriver de pire, c’était de continuer dans cette boîte. Qui est-ce qui m’avait tendu la main, qui est-ce qui me sortait toujours des rails pour me remettre sur ce chemin sombre où j’étais seul, ou j’y voyais pas plus loin que le bout de mes doigts ? Il me prenait une furieuse envie de rigoler. J’ai souri.

J’ai bu un grand verre d’eau tiède et je me suis barré. J’avais gagné une heure sur la sortie des bureaux.

Quand je suis sorti, ça s’est pas écroulé derrière moi, mais il faisait encore beau. J’ai entendu personne se jeter par la fenêtre ; j’avais laissé toutes ces vies en plan, je saurais jamais la suite, je me disais, je me demandais qui était abandonné. Pour moi, je savais qu’on m’aurait au tournant, combien de temps ça allait durer ça me foutait une sacrée trouille, mais pas trop, je sortais d’une mauvaise période.

Je suis toujours dans la merde, je m’en sors pas. J’ai pas trouvé le moyen de régler ces petits problèmes sans y laisser ma peau. Ouais. Et peut-être que par-dessus le marché je suis pas plus libre qu’un autre alors je vois pas si c’est la bonne solution de résister. J’ai rien à dire sur la question, j’essaye des trucs. Donc j’ai marché un peu et ensuite je suis rentré chez moi, j’ai bien dormi. Joue-le encore une fois, Sam.

 

Extrait de J’ai enfoncé tous les autres, nouvelle tirée de 50 contre 1, de Philippe Djian.

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Intraduisible


Iktsuarpok (Inuit) : la frustration due à l’attente de quelqu’un

Parfois, il nous arrive à tous de nous trouver devant une sensation intraduisible, tant par la parole que par le geste. Anjana Iyer, qui travaille en Nouvelle-Zélande, a effleuré le sujet d’une manière originale. Ayant exploré les langages du monde pour y dénicher des mots dépourvus de traduction en anglais, elle a tenté de capturer leur signification profonde par le biais d’illustrations humoristiques et raffinées.

D’autres images vous attendent ici.

Et voici la traduction Anglais/francais des légendes :

– Fernweh : Avoir le mal du pays pour un endroit où l’on n’est jamais allé.
– Komorebi : l’espèce de lumière éparpillée et tamisée, quand la lumière du soleil passe à travers les frondaisons.
– Tingo : voler peu à peu toutes les possessions des voisins, à force d’emprunts jamais restitués.
– Pochemuchka : une personne qui pose trop de questions.
– Gökotta : se réveiller aux aurores, dans le seul but de sortir écouter le chant des oiseaux.
– Bakku-shan : une fille qui semble belle … tant qu’on la voit de dos.
– Backpfeifengesicht : Un visage qui a grand besoin d’un coup de poing.
– Aware : le côté aigre-doux d’un bref moment d’une beauté transcendante, vécu en face à face.
– Tsundoku : l’acte consistant à ne pas lire un livre nouvellement acheté, pour préférer l’empiler avec d’autres livres dans le même cas.
– Shlimazl : une personne chroniquement malchanceuse.
– Waldeinsamkeit : l’impression d’être seul(e) en forêt.
– Hanayauku : L’acte consistant à marcher sur la pointe des pieds sur du sable chaud.
– Gattara : une femme, souvent âgée et solitaire, qui se dévoue aux chats errants.
– Prozvonit : appeler une personne sur son mobile en ne laissant sonner qu’une fois, dans l’unique but qu’elle vous rappelle, pour ne pas devoir dépenser son crédit.
– Itsuarpok : voir début de propa.
– Papakata : avoir une jambe plus courte que l’autre.
– Friolera : une personne particulièrement sensible aux basses températures.
– Schilderwald : une rue tellement encombrée de panneaux de signalisation qu’on s’y perd.
– Utepils : Profiter du soleil, assis ou allongé dehors, en buvant une bière.
– Mamihlapinatapei : un regard dépourvu de paroles, mais néanmoins plein de signification, échangé par deux personnes, qui ont toutes deux envie de démarrer quelque chose, mais répugnent à en être l’initiateur.
– Culaccino : la trace laissée sur une table par un verre humide.
Ilunga : une personne qui est prête à pardonner n’importe quoi la première fois, à tolérer une seconde enfreinte, mais jamais une troisième.
– Kyoikumama : une mère qui « pousse » ses enfants à obtenir des succès académiques.
– Aga-otori : avoir une plus sale tête après une coupe de cheveux qu’avant.
– Chai-pari : aussi appelé « Bakchich ». L’argent donné à qqn (en géneral un fonctionnaire) pour que « les choses se fassent ».
– Won : la difficulté d’une personne à renoncer à ses illusions.
– Tokka : un grand troupeau de rennes.
– Schadenfreude : le plaisir qu’on tire de la misère des autres.
– Wabi-sab : accepter le cycle naturel de la vie et de la mort.

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Classiques abrégés

Au rythme où sortent les livres à l’heure actuelle, difficile de trouver le temps de lire un classique un peu longuet. Mais rassurez-vous : le dessinateur humoristique John Atkinson a trouvé une solution à ce problème : des versions ramenées à une dizaine de mots, qui vous permettront d’enfin venir à bout de cette interminable PàL !

 


Guerre et paix : Tout le monde est triste. Il neige.
Les raisins de la colère : L’agriculture, c’est chiant. Voyage en bagnole. Les voyages en bagnole, c’est chiant.
Don Quichotte : Un mec s’attaque aux moulins à vent. Et il est complètement bargeot.
Le soleil se lève aussi : La génération perdue se bourre la gueule. Elle est toujours perdue.
Moby Dick : Homme contre baleine. La baleine gagne.
Ulysse : Dublin, quelque chose quelque chose quelque chose, phrase interminable.

 


L’odyssée : Un vétéran de la guerre met une éternité pour rentrer chez lui, puis tue tout le monde.
Les hauts de hurlevent : Des quasi frère et soeur tombent amoureux. Il fait brumeux.
Walden : Un mec  passe deux ans assis devant chez lui. Il ne se passe rien.
Crime et châtiment : Un meurtrier se sent mal. Se confesse. Va en prison. Se sent mieux.
Beowulf : Héro tue monstre. Bla bla bla bla. Dragon tue héros.
L’enfer de Dante : Tout ce qui peut foirer foire.

Source

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Littérature érotique

Il faut de tout pour faire un monde, dit un dicton populaire.
Pas étonnant donc que la littérature érotique s’occupe, elle aussi, d’assouvir certains fantasmes … étonnants.

Présidents : il ne manque pas d’ouvrages salaces traitant des Pères Fondateurs (américains), mais cette saga de Catherine Devore est probablement la plus connue. Dans ce volume précis, le bien aimé président doit vaincre l’empereur du Japon grâce au pouvoir de son surpuissant pénis.

Dinosaures : Ici aussi, on ne manque pas de choix : entre Violée par le tricératops et Le dinosaure milliardaire m’a forcé à devenir gay, ce volume nous présente un T-rex frustré (à cause de ses bras trop courts, probablement) qui rencontre une Diane chasseresse, laquelle n’a jamais trouvé de partenaire capable de la satisfaire. Mais tout espoir n’est pas perdu !

Nains de jardin : une série où des nains de jardin envoient une femme au septième ciel grâce à leurs chapeaux pointus.

Avions à réaction : Oui, vous avez bien lu ! L’avion sexy dont il est question est un milliardaire (un de plus !), champion de blackjack.
Extrait de la critique : « Epoustouflé par la maîtrise remarquable qu’a l’auteur (Chuck Tingle, sans rire) de l’anatomie et de la physique ».

Mommies : les morts ressuscitent, au grand dam des laborantines.

Eclairs : « J’étais en train de me frotter au métal noir du cheval, en tenant mon I-phone afin d’envoyer une photo non sollicitée sur OKCupid quand … »
Puis l’éclair le prend. La suite est « Pris par le Canada » : tout un programme !

Mammouths

Etoiles de mer

Et même, en guise de conclusion, un cable HDMI (hanté, qui plus est) : destiné aux geeks, je suppose.

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François Villon

Né en 1431 ou 1432, François Villon est considéré comme le premier poète moderne. Plusieurs moments de sa vie demeurent obscurs; il a tour à tour fréquenté les mauvais garçons et les grands de son époque.

Bachelier de la faculté de Paris, il tue un prêtre au cours d’une rixe en 1455 et doit fuir la ville. En 1461, après une série de vols, il est emprisonné, puis délivré sur l’ordre de Louis XI. Il publie en 1462 son Testament, qui contient plusieurs ballades et rondeaux écrits auparavant. A nouveau emprisonné pour vol, il est libéré, puis mêlé à une nouvelle rixe et condamné à la pendaison (1463). C’est alors qu’il écrit le Quatrain et l’Epitaphe (plus souvent appelée Ballade des pendus). Le jugement est annulé, mais il est banni de Paris. On ne sait rien du reste de sa vie.

Quatrain

« Je suis François dont il me poise,
Né à Paris emprès Pontoise,
Et de la corde d’une toise
Saura mon col que mon cul poise. »

Je suis François et cela me pèse, Né à Paris près de Pontoise, Et de la corde d'une toise Mon cou saura ce que mon cul pèse.

Dans ce court poème, on décèle bien l’humour souvent désespéré de Villon, notamment dans l’utilisation à double-sens du mot François, à l’époque synonyme de Français (un peu comme le prénom France de nos jours). Même quand il croit sa fin venue, Villon nargue la mort comme il a bafoué la vie.

L’Épitaphe ou Ballade des pendus

« Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est
piéça dévorée et pourrie, (depuis longtemps)
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes
transis, (morts)
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous
harie, (moleste)
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés, (lessivés)
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :
A lui n’ayons que faire ne que
soudre. (payer)
Hommes, ici n’a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! »

« La littérature de Villon est celle d’un poète docte (et non populaire), d’une distinction profonde. Clément Marot signale l’antiquité de son parler, sa façon de rimer, « les meslées et longues parenthèses », « les sentences (phrases) belles comme fleurs », l’esprit. Il aurait pu aussi nous parler de sa musique, de l’expression, de la sensibilité. Villon réussit à nous faire reconnaître son désir de vivre intensément et c’est cela qui rend chez lui l’idée de la mort si bouleversante. Il a vécu ardemment, dangereusement. A le lire, nous vivons à notre tour comme l’hallucination d’un destin, comme la vie d’une âme. »
(extrait de l’introduction à mon édition en poche, par Robert Guiette).

Je n’aurais pu mieux dire, et clairement la musicalité de ses vers et ce désir de vivre intensément, quels que soient les risques que cela comporte, sont ce qui me parle le plus chez Villon.

Vu que les deux précédents font partie des plus connus, je me permets d’y ajouter l’un de mes préférés qui, je trouve, correspond plus à l’image de fêtard, bagarreur, coureur de jupons aux mauvaises fréquentations que je me fais de Villon.

Ballade de merci

« A Chartreux et à Célestins,
A Mendiants et à Dévotes,
A musards et claquepatins, (désoeuvrés et élégants)
A servans et filles mignottes
Portant surcots et justes cottes,
A cuidereaux d’amour transis, (galants présomptueux)
Chaussant sans méhaing fauves bottes, (douleur)
je crie à toutes gens mercis.

A fillettes montrant tétins,
Pour avoir plus largement hôtes,
A ribleurs, mouveurs de hutins, (voleurs, faiseurs de tapage)
A bateleurs, trainant marmottes,
A fols, folles, à sots et sottes,
Qui s’en vont sifflant six à six,
A vessies et mariottes, (marottes)
Je crie à toutes gens mercis.

Sinon aux traîtres chiens mâtins
Qui m’ont fait chier dures crotes (cher – croutes)
Mâcher maints soirs et maints matins,
Qu’ore je ne crains pas trois crottes.
Je fisse pour eux pets et rottes;
Je ne puis, car je suis assis.
Au fort, pour éviter riottes, (querelles)
Je crie à toutes gens mercis.

Qu’on leur froisse les quinze côtes
De gros maillets, forts et massis, (massifs)
De plombées et tels pelotes. (boules de plomb)
Je crie à toutes gens mercis. »

Et si cela vous plaît, un joli choix de ses écrits est disponible ici et l’intégrale de son oeuvre, accompagnée d’une biographie, d’un glossaire, d’un contexte historique, etc. est disponible pour trois fois rien en livre de poche.

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Classé dans Ecrivain, Non classé, Poésie