Un jeune paysan de la paroisse de Möllby, qui se divertissait souvent en chassant, vit un jour trois cygnes voler vers lui et se poser sur la rive d’un bras de mer à proximité. S’en approchant, il fut surpris de voir les trois cygnes se dévêtir de leur tenue de plumes, qu’ils jetèrent dans l’herbe, et trois jeunes filles d’une beauté éblouissante en émerger et plonger dans l’eau. Après s’être ébattues dans les flots pendant quelques instants, elles revinrent à terre, où elles revêtirent leurs tenues et aspects antérieurs et s’envolèrent dans la direction d’où elles étaient venues.
Ce court laps de temps lui suffit pour s’éprendre éperdument de l’une d’entre elles, la plus jeune et la plus belle, au point qu’il ne pouvait plus détacher ses pensées de son image. Sa mère, remarquant que quelque chose clochait chez son fils et que la chasse, auparavant son plaisir favori, avait pour lui perdu toute attraction, finit par s’enquérir de la cause de sa mélancolie ; sur quoi il lui relata ce qu’il avait observé et lui déclara qu’il ne pourrait plus y avoir pour lui de bonheur en sa vie s’il ne pouvait posséder la belle cygne.
« Rien n’est plus facile », lui dit la mère. « Mardi prochain, rends-toi au crépuscule à l’endroit où tu l’as aperçue la dernière fois. Lorsque viendront les trois cygnes, observe bien où ton élue pose sa tenue de plumes, prends-la et éloigne-toi vite. »
Le jeune homme écouta les instructions de sa mère et, se rendant le mardi suivant à une cache proche du bras de mer, il attendit impatiemment l’arrivée des cygnes. Le soleil était en train de se coucher derrière les arbres quand les oreilles du jeune homme furent frappées par un sifflement dans l’air et les trois cygnes se posèrent, comme lors de leur précédente visite.
Dès qu’elles se furent débarrassées de leur tenue de cygne, elles furent à nouveau transformées en très belles jeunes filles et, sautant sur le sable blanc, folâtraient bientôt dans les flots. Depuis sa cachette, le jeune chasseur avait pris soin de noter où son enchanteresse avait posé ses plumes de cygne. S’avançant prudemment, il s’en empara et revint se cacher dans le feuillage.
Peu après, il entendit deux des cygnes s’envoler, mais la troisième, à la recherche de sa parure, découvrit le jeune homme devant qui, le croyant responsable de sa disparition, elle tomba à genoux et le supplia de lui rendre sa tenue de cygne. Le chasseur n’était cependant pas prêt à lui céder sa belle prise et, lui posant son manteau sur les épaules, la ramena chez lui.
Les préparatifs battirent bientôt bon train pour un magnifique mariage, qui eut lieu dans les règles et le jeune couple se construisit un nid d’amour.
Un mardi soir, sept ans plus tard, le chasseur lui raconta comment il l’avait conquise. Il alla chercher et lui montra ses plumes de cygne blanches d’autrefois. A peine les eut-il placées entre ses mains qu’elle se transforma à nouveau en cygne et s’envola immédiatement par la fenêtre. Le souffle coupé par la surprise, l’homme regarda avidement sa femme, qui disparaissait rapidement à l’horizon et, moins d’un an et un jour plus tard, il fut couché, ainsi que ses espérances et son chagrin, dans la place qui lui avait été réservée au cimetière du village.
(Adaptation personnelle d’une légende du jeu de rôle med-fan Hârn, elle-même clairement inspirée du mythe d’Orphée et Eurydice.)