Archives mensuelles : Mai 2015

Le papillon

Mars

Elle est menue, si menue … comme un oisillon tombé du nid. Et si fragile que j’ai peur qu’elle se brise en mille morceaux si un client venait à élever la voix. Et pourtant, ma seule envie est de la prendre comme un sauvage sur le comptoir. Et le long regard bestial que je viens de lui adresser ne lui a sûrement pas échappé.

Après plusieurs secondes de ce viol ophtalmique, elle détourne d’ailleurs brusquement le regard, gênée – voire effrayée ? – par son intensité. Se pourrait-il qu’elle soit trop innocente pour l’avoir déchiffré ? Moi qui me suis toujours flatté de ne jamais déshabiller des yeux les filles que je convoitais, je me sens tout-à-coup honteux, comme souillé. Je sens mon visage s’empourprer dans un mélange de honte et de rage intériorisée. L’ai-je effarouchée ? Va-t-elle encore oser franchir les portes de La Marionnette ? N’ai-je fait qu’accentuer encore son malaise ? Ne serais-je pour elle qu’un bourreau de plus, à ajouter à la longue liste de mes prédécesseurs ? Qu’elles sont longues, les minutes qui suivent cet échange muet …

(à suivre)

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Un rêve dans un rêve

Edgar Allan Poe (Boston, 19 janvier 1809 – Baltimore, 7 octobre 1849) est un poète, romancier, nouvelliste, critique littéraire, dramaturge et éditeur, ainsi que l’une des principales figures du romantisme américain. Connu surtout pour ses contes — genre dont la brièveté lui permet de mettre en valeur sa théorie de l’effet, suivant laquelle tous les éléments du texte doivent concourir à la réalisation d’un effet unique — il a donné à la nouvelle ses lettres de noblesse et est considéré comme l’inventeur du roman policier. Nombre de ses récits préfigurent les genres de la science-fiction et du fantastique.

Né à Boston, Edgar Allan Poe perd ses parents dans sa petite enfance ; il est recueilli par John et Frances Allan de Richmond, en Virginie, où il passe l’essentiel de ses jeunes années, si l’on excepte un séjour en Angleterre et en Écosse, dans une aisance relative. Après un bref passage à l’Université de Virginie et des tentatives de carrière militaire, Poe quitte les Allan. Sa carrière littéraire débute humblement par la publication anonyme d’un recueil de poèmes intitulés Tamerlan et autres poèmes (1827), signés seulement « par un Bostonien ». Poe s’installe à Baltimore, où il vit auprès de sa famille paternelle et abandonne quelque peu la poésie pour la prose. En juillet 1835, il devient rédacteur-assistant au Southern Literary Messenger de Richmond, où il contribue à augmenter les abonnements et commence à développer son propre style de critique littéraire. La même année, à vingt-six ans, il épouse sa cousine germaine Virginia Clemm, alors âgée de 13 ans.

Après l’échec de son roman Les Aventures d’Arthur Gordon Pym, Poe réalise son premier recueil d’histoires, les Contes du Grotesque et de l’Arabesque, en 1839. La même année, il devient rédacteur au Burton’s Gentleman’s Magazine, puis au Graham’s Magazine à Philadelphie. C’est à Philadelphie que nombre de ses œuvres parmi les plus connues ont été publiées. Dans cette ville, Poe a également projeté la création de son propre journal, The Penn (plus tard rebaptisé The Stylus), qui ne verra jamais le jour. En février 1844, il déménage à New York, où il travaille au Broadway Journal, un magazine dont il devient finalement l’unique propriétaire.

En janvier 1845, Poe publie Le Corbeau, qui connaît un succès immédiat. Mais, deux ans plus tard, son épouse Virginia meurt de la tuberculose. Poe envisage de se remarier, mais aucun projet ne se réalisera. Le 7 octobre 1849, Poe meurt à l’âge de 40 ans à Baltimore. Les causes de sa mort n’ont pas pu être déterminées et ont été attribuées diversement à l’alcool, à une drogue, au choléra, à la rage, à une maladie du cœur, à une congestion cérébrale, etc.

L’influence de Poe a été et demeure importante, aux États-Unis comme dans l’ensemble du monde, non seulement sur la littérature, mais également sur d’autres domaines artistiques tels le cinéma et la musique, ou encore dans des domaines scientifiques. Bien qu’auteur américain, il a d’abord été reconnu et défendu par des auteurs français, Baudelaire et Mallarmé en tête. La critique contemporaine le situe parmi les plus remarquables écrivains de la littérature américaine du XiXè siècle.

Source : wikipédia

A Dream Within a Dream

Take this kiss upon the brow!
And, in parting from you now,
Thus much let me avow —
You are not wrong, who deem
That my days have been a dream;
Yet if hope has flown away
In a night, or in a day,
In a vision, or in none,
Is it therefore the less gone?
All that we see or seem
Is but a dream within a dream.

I stand amid the roar
Of a surf-tormented shore,
And I hold within my hand
Grains of the golden sand —
How few! yet how they creep
Through my fingers to the deep,
While I weep — while I weep!
O God! Can I not grasp
Them with a tighter clasp?
O God! can I not save
One from the pitiless wave?
Is all that we see or seem
But a dream within a dream?

Un rêve dans un rêve

Recevez ce baiser sur le front !
Et maintenant que je vous quitte,
Laissez-moi du moins avouer ceci : –
Vous n’avez pas tort, vous qui estimez
Que mes jours ont été un rêve;
Cependant, si l’espoir s’est envolé
En une nuit ou en un jour,
En une vision ou en un songe,
En est-il pour cela moins en allé ?
Tout ce que nous voyons ou paraissons
N’est qu’un rêve dans un rêve.

Je me trouve au milieu des mugissements
D’un rivage tourmenté par la houle,
Et je tiens dans la main des grains de sable d’or –
Combien peu ! Et comme ils glissent
A travers mes doigts dans l’abîme, Pendant que je pleure,
Pendant que je pleure !
Mon Dieu ! ne puis-je donc les retenir
D’une étreinte plus sûre ?
Mon dieu, ne pourrais-je donc en sauver
Un seul de la vague impitoyable ?
Tout ce que nous voyons ou paraissons
N’est-il donc qu’un rêve dans un rêve ?

Ce poème, l’un des plus fameux de Poe, a été à maintes reprises adapté en musique. Ma version préférée reste celle de Propaganda, groupe allemand des années ’80. Comme je suis d’humeur généreuse, je vous mets une version studio et une live, à vous de choisir !

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Beasley Street (John Cooper Clarke)

John Cooper Clarke

John Cooper Clarke (né le 25 janvier 1949) est un poète punk britannique originaire de Salford, dans le Grand Manchester. Surnommé dans la presse « le barde de Salford », ses spectacles sont faits de déclamations énergiques et très rapides de ses poèmes. Il a été accompagné musicalement par *The Invisible Girls*, avec comme membres le producteur Martin Hannett, Pete Shelley (chanteur des Buzzcocks), Bill Nelson, Paul Burgess et Steve Hopkins. Il a fait la première partie de groupes comme The Sex Pistols, The Fall, Joy Division, The Buzzcocks, Elvis Costello et Rockpile. Plus récemment, il a ouvert pour Joe Strummer & The Mescaleros (ex-The Clash).
Durant les années 80, Clarke a lutté contre une accoutumance à l’héroïne. Il a vécu avec la chanteuse Nico durant cette période.
Il habite désormais avec sa famille (sa compagne Evie, mère de sa fille Stella, née en 1994) à Colchester, dans le Comté d’Essex (Angleterre) et il a repris des tournées régulières.

Source : wikipédia

Certains poètes, dérogeant aux règles communément acceptées, préfèrent à l’écrit d’autres moyens d’expression. C’est le cas de John Cooper Clarke, dont je tenais à vous faire partager l’une de mes chansons préférées. Mais, désireux de rendre ce poème très politisé – et toujours d’actualité, vu la situation actuelle au Royaume Uni – accessible au plus grand nombre, j’y ai joint, en bas de page, une traduction personnelle qui devrait aider à mieux l’apprécier. Notez que je ne suis pas traducteur professionnel et que la poésie est bien plus ardue à transposer dans une autre langue que la prose; certaines finesses du texte d’origine auront donc disparu en chemin, mais c’est toujours mieux que rien …

Beasley Street
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Far from crazy pavements –
the taste of silver spoons
A clinical arrangement
Far from crazy pavements –
the taste of silver spoons
A clinical arrangement
on a dirty afternoon
Where the fecal germs of Mr Freud
are rendered obsolete
The legal term is null and void
In the case of Beasley Street

In the cheap seats where murder breeds
Somebody is out of breath
Sleep is a luxury they don’t need
– a sneak preview of death
Belladonna is your flower
Manslaughter your meat
Spend a year in a couple of hours
On the edge of Beasley Street

Where the action isn’t
That’s where it is
State your position
Vacancies exist
In an X-certificate exercise
Ex-servicemen excrete
Keith Joseph smiles and a baby dies
In a box on Beasley Street

From the boarding houses and the bedsits
Full of accidents and fleas
Somebody gets it
Where the missing persons freeze
Wearing dead men’s overcoats
You can’t see their feet
A riff joint shuts – opens up
Right down on Beasley Street

Cars collide, colours clash
disaster movie stuff
For a man with a Fu Manchu moustache
Revenge is not enough
There’s a dead canary on a swivel seat
There’s a rainbow in the road
Meanwhile on Beasley Street
Silence is the code

Hot beneath the collar
an inspector calls
Where the perishing stink of squalor
impregnates the walls
the rats have all got rickets
they spit through broken teeth
The name of the game is not cricket
Caught out on Beasley Street

The hipster and his hired hat
Drive a borrowed car
Yellow socks and a pink cravat
Nothing La-di-dah
OAP, mother to be
Watch the three-piece suite
When shit-stoppered drains
and crocodile skis
are seen on Beasley Street

The kingdom of the blind
a one-eyed man is king
Beauty problems are redefined
the doorbells do not ring
A lightbulb bursts like a blister
the only form of heat
here a fellow sells his sister
down the river on Beasley Street

The boys are on the wagon
The girls are on the shelf
Their common problem is
that they’re not someone else
The dirt blows out
The dust blows in
You can’t keep it neat
It’s a fully furnished dustbin,
Sixteen Beasley Street

Vince the ageing savage
Betrays no kind of life
but the smell of yesterday’s cabbage
and the ghost of last year’s wife
through a constant haze
of deodorant sprays
he says retreat
Alsations dog the dirty days
down the middle of Beasley Street

People turn to poison
Quick as lager turns to piss
Sweethearts are physically sick
every time they kiss.
It’s a sociologist’s paradise
each day repeats
On easy, cheesy, greasy, queasy
beastly Beasley Street

Eyes dead as vicious fish
Look around for laughs
If I could have just one wish
I would be a photograph
on a permanent Monday morning
Get lost or fall asleep
When the yellow cats are yawning
Around the back of Beasley Street

Traduction

Loin des trottoirs délirants
… Et du goût des cuillères en argent
Une composition aseptisée
… Par une après-midi pourrie
Où les germes fécaux de Mr Freud
… Sont rendus obsolètes
La peine légale est nulle et non avenue
Dans le cas de … Beasley Street

Dans les places à cinq francs qui cultivent le meurtre
Quelqu’un est à bout de souffle
Le sommeil est un luxe superflu
… Une avant-première de la mort
La belladone est ta fleur
L’homicide ta viande
Passe une année en quelques heures
Au bord de Beasley Street

Là où il ne se passe rien
C’est justement là que ça se passe
Exprime ta position
Il y a des postes à pourvoir
Dans un exercice pour diplômes X
Des ex-militaires excrètent
Keith Joseph (1) sourit et un bébé meurt
dans une boîte en carton sur Beasley Street

Des pensions de famille aux chambres meublées débordant
… D’incidents et de puces
Quelqu’un se fait descendre
Là où les portés disparus crèvent de froid
emmitouflés dans les manteaux d’hommes morts
On ne voit pas leurs pieds
Une gargote ferme – une autre ouvre
En plein Beasley street

Les bagnoles se tamponnent, les couleurs jurent
un truc de film d’horreur
Pour un homme à moustache à la Fu Manchu
La vengeance n’est pas assez
Il y a un canari mort sur un fauteuil de bureau pivotant
Il y a un arc-en-ciel dans la rue
Pendant ce temps, sur Beasley Street,
La loi du silence règne

Très en colère
… Un inspecteur se pointe
Là où la puanteur indicible de la misère
… imprègne les murs
les rats sont tous rachitiques
ils crachent à travers leurs dents cassées
le nom du jeu n’est pas cricket
si tu te fais prendre sur … Beasley street

Le mec branché et son chapeau de location
Roulent dans une voiture d’emprunt
Chaussettes jaune et foulard rose
Il n’a rien d’une chochotte
Les futures mères
Regardent le costume trois pièces
Quand les pantalons moulants
Et les chaussures en croco
Déboulent sur … Beasley Street

Au royaume des aveugles
… les borgnes sont rois
les questions de beauté prennent un autre sens
… Les sonnettes ne marchent pas
Une ampoule qui éclate comme une cloque
est la seule source de chaleur
Là où un type vend sa soeur
… en bas de la rivière sur Beasley Street

Les garçons sont en manque
Les filles trop vieilles pour le mariage
Leur problème commun est
… De ne pas être quelqu’un d’autre
Le vent fait sortir la saleté
Et rentrer la poussière
Impossible de garder quelque chose propre
C’est une poubelle meublée
… au 16, Beasley Street

Vince le sauvage vieillissant
Ne trahit aucun genre de vie
… Sauf l’odeur du chou de la veille
Et le fantôme de l’épouse de l’année dernière
A travers un brouillard permanent
De sprays déodorants
Il dit … barres-toi
Les chiens-loups harcèlent les sales journées
au milieu de Beasley Street

Les gens se tranforment en poisons
Aussi vite que la bière en pisse
Les amoureux sont littéralement malades
Chaque fois qu’ils s’embrassent
C’est un paradis pour sociologue
Toutes les journées se ressemblent
Désagréable, ringarde, suintant la graisse, nauséeuse
… Bestiale, Beasley Street

Les yeux morts comme des poissons vicieux
Sont à la recherche de divertissement
Si j’avais un souhait à exaucer
Je serais une photographie
Par un lundi matin indélébile
Barres-toi ou endors-toi
quand les chats jaunes baillent
à l’arrière de Beasley Street.

(1) parlementaire britannique, ministre sous trois gouvernements (Harold Macmillan, Edward Heath et Margaret Thatcher) dans les années 1970 et 1980. Il est considéré comme l’éminence grise de l’élaboration du thatchérisme.

Et pour les anglophones parmi vous, voici un Documentaire d’une heure (de la BBC) consacré à cet artiste, source d’inspiration pour beaucoup.

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La servante écarlate

La Servante écarlate (titre original : The Handmaid’s Tale) est un roman de l’auteure canadienne Margaret Atwood, publié en 1985 et traduit en français en 1987. Ce roman de science-fiction décrit une dystopie future, dans laquelle un régime totalitaire religieux s’est installé, régime où les femmes sont divisées en trois classes : Les Epouses, seules femmes ayant du pouvoir, dominent la Maison, les Marthas entretiennent la Maison et les Servantes Ecarlates ont pour rôle la reproduction. Toutes les autres femmes (trop âgées, infertiles,…) sont déportées dans les Colonies, où elles manipulent des déchets toxiques. Dans ce futur, le taux de natalité est en très forte baisse, et les rares nouveau-nés sont souvent « inaptes ». L’héroïne du roman, une servante écarlate, raconte peu à peu son histoire et se remémore des moments passés avec sa famille. Son unique raison de vivre, ce à quoi elle se raccroche pour ne pas sombrer, ce sont ses souvenirs. Ce roman a été adapté au cinéma en 1990 par Volker Schlöndorff (Source : Wikipédia)

Je profite de l’occasion de la sortie encore récente du nouveau roman de Margaret Atwood, « MaddAdddam », pour vous parler de son ouvrage le plus fameux, La servante écarlate, et des controverses qu’il provoque encore près de 30 ans après sa publication. L’article suivant date de septembre 2013.

Mes 110 élèves lisaient « La Servante Ecarlate » (NDA: dans le cadre des cours) et un de mes supérieurs m’avertit que les parents d’un de ces étudiants avaient contacté directement le préfet, pour s’en plaindre et, bien entendu, demander que ce livre soit rayé du curriculum de l’école, du comté et, si possible, aussi de la mémoire de leur enfant. Je dis au préfet que je serais heureux de rencontrer les parents, pour discuter avec eux de leurs inquiétudes.

En disant cela, je mentais sur deux fronts. Tout d’abord, cela ne me réjouissait pas le moins du monde. Et ensuite, j’envisageais une définition assez large du mot « discuter », qui inclurait probablement cris d’indignation et poings levés. J’essayerais bien de vous faire croire que j’ai coupé court à leur argumentation pour les mener vers les vertes pâtures de l’illumination, mais je pense que deux mensonges par paragraphe sont plus que suffisants. Personne n’en vint aux cris, coeurs et esprits ne subirent aucune transformation et nous ne nous promîmes rien de plus que de réexaminer, si cela s’avérait nécessaire, la pratique qui permet d’alterner l’affectation des romans. Peu après, afin qu’on puisse à l’avenir l’utiliser, ce qui m’épargnerait d’autres réunions du même genre, voici ce que j’écris :

Mon choix de « La servante écarlate » de Margaret Atwood comme sujet d’étude et de composition au cours a été récemment remis en question, principalement (mais pas seulement) à cause d’un passage qui inclut des références explicites à l’agression sexuelle d’une femme, qui subit une servitude forcée dans un futur totalitaire. J’aimerais profiter de cette occasion pour expliquer mon choix de ce livre, en réponse aux inquiétudes manifestées par certains parents.

Je tiens à commencer par mentionner que « La servante écarlate » est utilisée dans les classes des athénées et collèges de tout le pays. Une simple recherche hâtive sur Internet révélera son inclusion dans les programmes scolaires du Texas, du Massachusetts, de l’Ohio, de la Californie et du Kentucky. Margaret Atwood fait partie des auteurs représentatifs régulièrement repris dans les cours de langue et de composition et « La servante écarlate » est mentionnées à maintes reprises comme un texte d’un grand mérite littéraire lors des examens de littérature anglaise. La réputation de ce roman en tant qu’élément essentiel de la littérature de fiction spéculative est bien établie.

Ceci dit, je n’ai pas sélectionné ce livre uniquement sur base de sa réputation. Je l’ai lu deux fois avant de le désigner choisir. Le passage qui a causé le plus de remous a attiré mon attention lorsque j’ai lu le roman, ce qui était d’ailleurs son intention. La scène est choquante, le language explicite. Cependant, il n’est pas dénué de raison d’être. Le personnage principal du roman (qui en est aussi la narratrice) est assujettie régulièrement à des traitements dégradants et tyranniques, simplement parce qu’elle est une femme. Dans sa tentative de capturer les horreurs qui existent là où les droits des femmes sont ignorés et les femmes elles-mêmes traitées, comme la narratrice le présente, comme « des incubateurs à pattes », Atwood utilise un langage graphique. Le viol est horrible, évidemment, et ses mots le reflètent. Mais bien que l’image soit explicite, elle n’en est pas pour autant arbitraire. Tout comme les photos des victimes nues, affamées et torturées d’Auschwitz sont explicites, mais peuvent nous aider à comprendre leur détresse et notre détermination à résister à la possibilité de sa répétition. Etre exposé à quelque chose de choquant n’est pas synonyme de la promotion de cette chose. Si tel était le cas, L’Iliade serait une promotion de la violence et de la destruction, Les Aventures de Huckleberry Finn une apologie du racisme, Beloved une promotion de l’infanticide et Sa Majesté des Mouches un encouragement à la sauvagerie.

L’autre souci majeur à propos de « La servante écarlate » est son point de vue présumé anti-chrétien. Il est vrai que, dans le roman, la classe dirigeante militariste utilise des bribes de textes sacrés ou d’hymnes, pour justifier ses actes et pratiques. Cependant, ces bribes ne sont rien d’autre que des extraits de versets, dépourvus de tout contexte, utilisés d’une manière totalement contraire à leur intention originelle. Etant donné que les citoyens de cette dystopie n’ont pas le droit de lire – même pas la Bible – ils ne disposent d’aucun moyen de se rendre compte de ces manipulations. Dans « La servante écarlate », le langage de la foi a été déformé et détourné à des fins malfaisantes, tout comme la désobéissance de Cham fut jadis utilisée pour justifier l’esclavage aux Etats-Unis, de la même manière qu’Hitler a prétendu que son génocide était la volonté de Dieu. Comprendre la faculté qu’a montrée l’humanité d’utiliser la fausse piété pour valider l’oppression est l’une des leçons morales fondamentales de ce livre et les étudiants de toutes confessions peuvent en retirer une meilleure compréhension du potentiel à faire le mal dont dispose l’homme.

J’espère avoir réussi à clarifier les problèmes que j’ai mentionnés. Il me reste simplement à ajouter qu’une des fonctions de la littérature est d’apporter la lumière dans les recoins de notre monde, même lorsque ce que nous y trouvons est déplaisant.

Josh Corman.

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Hollywood

J’arrivai à neuf heures moins dix. Je me garai et attendis Jon. Il se pointa cinq minutes plus tard. Je descendis de voiture et m’avançai à sa rencontre.
– Bonjour, Jon…
– Salut, Hank… Tu vas bien
– Oui. Alors, et ta grève de la faim ?
– Oh, je continue. Mais l’amputation de mon petit doigt passe en priorité.
Jon avait emporté la Black & Decker. Enveloppée dans une serviette vert foncé. On pénétra ensemble dans l’immeuble de Firepower. L’ascenseur nous déposa à l’étage où se trouvait le bureau de l’avocat. Neeli Zutnick. La réceptionniste était au courant.
– Vous pouvez entrer tout de suite, nous dit-elle.
Neeli Zutnick se leva de derrière son bureau et nous serra la main avant de se rasseoir.
– Désireriez-vous un café, messieurs ? nous proposa-t-il.
– Non, répondit Jon.
– Moi, j’en prendrai un, fis-je.
Zutnick appuya sur le bouton de l’interphone.
– Rose ? Rose, ma chère… un café, s’il vous plaît…
Il me lança un regard interrogatif :
– Lait, sucre ?
– Noir.
– Noir. Merci, Rose… et maintenant, messieurs…
– Où est Friedman ? demanda Jon.
– Mr. Friedman m’a donné toutes les instructions nécessaires. Maintenant…
– Où est votre prise ? l’interrompit Jon.
– Ma prise ?
– Oui, pour ça…
Jon écarta la serviette, dévoilant la Black & Decker.
– Je vous en prie, monsieur Pinchot…
– Où est la prise ? Peu importe, je la vois.
Jon alla brancher la scie électrique.
– Vous comprenez bien, dit Zutnick, que si j’avais su que vous viendriez avec cet engin, j’aurais fait couper l’électricité.
– Certes, dit Jon.
– La présence d’un tel outil ne me paraît pas s’imposer, dit l’avocat.
– J’espère. C’est juste… au cas où…
Rose arriva avec mon café. Jon pressa le bouton de la Black & Decker. La lame se mit aussitôt à vibrer.
La secrétaire tressaillit et renversa une goutte de café sur sa robe. Une jolie robe rouge que Rose, une fille bien charpentée, remplissait agréablement.
– Oulala ! Ca m’a fait peur !
– Excusez-moi, fit Jon. Je voulais seulement… l’essayer.
– C’est pour qui le café ?
– Pour moi, dis-je. Merci.
Rose m’apporta le café. J’en avais bien besoin.
Puis elle sortit, nous jetant un regard inquiet par-dessus son épaule.
– Mr. Friedman et Mr. Fischman ont tous deux exprimé leur consternation devant vos dispositions d’esprit actuelle et…
– Assez de blabla, Zutnick ! Ou je récupère les droits ou vous récupérez mon premier morceau de chair… ICI !
Jon frappa le bureau de l’extrémité de la Black & Decker.
– Voyons, Mr. Pinchot, il n’est pas nécessaire…
– SI, IL EST NECESSAIRE ! ET LE TEMPS PRESSE ! JE VEUX CE PAPIER ! TOUT DE SUITE !
Zutnick se tourna vers moi :
– Votre café est bon, Mr. Chinaski ?
Jon enclencha la Black & Decker et leva la main gauche, le petit doigt tendu. Il brandit la scie électrique, dont la lame tressautait furieusement.
– TOUT DE SUITE !
– TRES BIEN ! rugit Zutnick.
Jon lâcha le bouton.
L’avocat ouvrit le premier tiroir de son bureau et en tira deux documents. Il les fit glisser vers Jon. Celui-ci s’en empara et s’installa pour les lire.
– Mr. Zutnick, demandai-je, pourrais-je avoir un autre café ?
Zutnick me gratifia d’un regard furibond, appuya rageusement sur l’interphone.
– Rose, un autre café. Noir, si…
– Comme une scie Black & Decker.
– Mr. Chinaski, ce n’est pas drôle.
Jon n’avait pas levé les yeux.
Mon café arriva.
– Merci, mer-scie, Rose…

Hollywood, Charles Bukowski.

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La « Société pour l’appréciation de la lecture de pulp fiction topless » décolle.

Un club de lecture pour le moins original, qui promeut les bons livres, les journées ensoleillées et profiter des deux aussi dévêtu que le permet la loi, a vu le jour l’an dernier à New York City. La météo aidant, ces lecteurs d’un genre nouveau se déshabillent un peu partout pour lire des ouvrages allant du polar à l’indescriptible Abraham Lincoln, Presidential Fuck Machine .

 


Une réunion de la « Outdoor Co-ed Topless Pulp Fiction Appreciation Society » à Central Park, NYC.

Même s’il n’est pas évident de faire le lien entre lecture et dénudement, il est clair que les membres de ce bookclub semblent en tirer plaisir. Il suffit, pour s’en persuader, de consulter les photos de leur blog – quoique peut-être pas depuis votre lieu de travail. L’association tire profit d’une loi locale, permettant aux femmes de se promener topless partout où les hommes le peuvent, et remporte un succès croissant.

La réponse du public est apparemment très positive : « Bien sûr, il arrive de temps en temps qu’un passant nous jette un regard noir, mais il y a beaucoup plus de gens qui nous soutiennent et sont enthousiastes. Et puis, c’est New York: ici, la plupart des gens font de leur mieux pour ne pas avoir l’air intimidés par un spectacle inattendu. »

Et les membres du groupe n’ont pas l’air d’être trop distraits par les seins nus qui les entourent, même s’ils avouent ne pas lire autant que dans une pièce silencieuse et favoriser l’aspect social lors de leurs réunions, préférant discuter et parler littérature plutôt que d’avaler un maximum de pages.

Et en réponse à la question que vous vous posez tous : il y a des membres masculins, même s’ils sont encore peu nombreux et – pour le moment en tous cas – doivent être introduits dans le groupe par d’autres membres. Mais, comme c’était à prévoir, les demandes de ce côté grimpent en flèche. L’association, unique au monde à l’heure actuelle, espère encourager les vocations dans d’autres parties du globe.

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Guerre d’émonde

Woking_tripod
Le printemps, à peine arrivé,
A pris une semaine de congé.
Espérant le cafard contrer,
J’ai choisi d’aller m’imbiber.
Alors que je suis sorti fumer
Un clope dans le parc d’à côté,
Le ciel s’est enfin dégagé.
La nuit est en train de tomber.
Le ciel, d’un bleu étoilé,
Permet à peine de discerner
Les contours étrangement alambiqués
Des réverbères juste allumés.
Entre les arbres imbriqués,
Leur lueur verdâtre fait penser
A des extraterrestres embusqués,
Des pages de Wells échappés.

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