Archives de Catégorie: Fantastique

Christopher Priest

Christopher Priest est un romancier et auteur de SF anglais, originaire de Manchester, passé dès 20 ans à l’écriture (après des études d’expert-comptable !)

Considéré comme l’un des auteurs les plus originaux du genre, acclamé par la critique de science-fiction, il n’a cependant pas encore rencontré le succès commercial. Son oeuvre, qui tourne autour du thème de la perception de la réalité, embrasse la majorité des genres de l’imaginaire, allant de la hard science au fantastique en passant par le steampunk.

Cette caractéristique lui doit d’être considéré aujourd’hui comme le successeur de Philip K. Dick. Il a avec J. G. Ballard participé à la nouvelle vague qui a renouvelé la science-fiction dans les années 1970.

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70 ans, mais encore de beaux yeux

J’avoue ne connaître que le côté science-fiction de son oeuvre, mais n’ai jamais été déçu, ni par l’originalité des sujets abordés, ni par son style.

Dans Le monde inverti, son troisième roman qui le fera connaître, Helward Mann, qui vient d’atteindre sa majorité (mille kilomètres), vit dans une ville nommée Terre, qui se déplace en permanence sur des rails pour atteindre le « point optimal », but chimérique vu que cet objectif est, lui aussi, mobile. La Guilde des topographes trace la route à suivre, car de cette fuite en avant dépend la survie de la cité. Mann finira, dans cet opus qui n’est pas sans rappeler 1984, par provoquer l’arrêt du train, pour « voir ce que ça fait ». Il n’est pas au bout de ses surprises!

Dans Le Prestige, c’est le thème, rarement abordé, de la prestidigitation qui est au centre de l’ouvrage. L’histoire est racontée par carnets de notes interposés et raconte la lutte entre deux prestidigitateurs, spécialisés dans les numéros de translocation. Ce livre a été adapté au cinéma par Christopher Nolan (avec un scénario très différent, ce qui permet de voir d’abord le film puis de lire le livre, ou inversement .

 

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Extrait

Chaque tour de magie comporte trois parties ou actes :

  • La première s’appelle la promesse : le magicien vous présente quelque chose d’ordinaire, un jeu de carte, un oiseau ou un homme. Il vous le présente, peut-être même vous invite-t-il à l’examiner, afin que vous constatiez qu’il est en effet réel, oui, intact, normal. Mais il est bien entendu loin de l’être.
  • Le deuxième acte s’appelle le tour : le magicien utilise cette chose ordinaire pour lui faire accomplir quelque chose d’extraordinaire. Alors vous cherchez le secret, mais vous ne le trouvez pas parce que, bien entendu, vous ne regardez pas attentivement, vous n’avez pas vraiment envie de savoir, vous avez envie d’être dupé. Mais vous ne pouvez vous résoudre à applaudir, parce que faire disparaître quelque chose est insuffisant, encore faut-il le faire revenir.
  • C’est pourquoi pour chaque tour de magie il existe un troisième acte, le plus difficile, celui que l’on nomme
    le prestige…

    Le Prestige (Christopher Priest)

    Ses autres oeuvres majeures comprennent L’Archipel des rêves (dont j’ai aussi de très bons souvenirs), La séparation (récompensé par plusieurs prix), Futur intérieur et La fontaine pétrifiante (que je ne pense pas avoir lus).

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Classé dans Ecrivain, Fantastique, SF, Steampunk

L’homme illustré (Ray Bradbury)

Cette collection de 18 récits courts, n’ayant que peu de liens les uns avec les autres, est l’histoire d’un homme couvert de tatouages. Chaque tatouage est capable se mouvoir et raconte une histoire. Plusieurs hommes illustrés apparaîtront d’ailleurs au fil des histoires.

Cette collection nous permet d’examiner certains thèmes que Bradbury revisitera au cours de sa carrière. La menace de la technologie, qui nous déshumanise, est évidente dans « The Veldt » et « Marionettes, Inc. ». La peur du conflit nucléaire est présente dans « L’autoroute », « L’Autre Pied », « Le Renard et la Forêt » et, à peine déguisée, dans « La dernière Nuit du Monde ». La censure constitue le fil directeur des « Exilés » et intervient dans « Le mixeur de béton ».

« Le Veldt »: Dans une maison futuriste, une nursery permet de réaliser tous les fantasmes d’enfant. Alice peut y prendre le thé; pirates, fées et Cendrillon la fréquentent. Les enfants (Peter et Wendy), y conjurent un Veldt africain, rempli de lions, qui finit par devenir par trop réaliste.

« Kaleidoscope »: L’une des nouvelles les plus connues et dérangeantes de Bradbury. Elle commence après l’explosion d’un vaisseau spatial. Les astronautes survivants tombent sans fin dans l’espace et l’histoire n’est en fait que le récit de ces derniers moments.

« Les Exilés »: Les histoires de Fantasy ou surnaturelles ont été interdites sur Terre; aussi, leurs auteurs (pour la plupart ramenés d’entre les morts) et leurs personnages ont émigrés sur Mars. Charles Dickens est là, même s’il estime ne pas être à sa place. Poe est leur chef, et lorsqu’ils apprennent qu’une attaque terrienne va se produire, ils préparent leur riposte.

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Classé dans Fantastique, SF

Logorrhée

Tout débuta à New York, dans un salon de coiffure de la cinquième avenue. Ce qui, d’une certaine manière, respectait une certaine logique : la Pomme Pourrie en avait vu bien d’autres et l’expression « Couper les cheveux en quatre » – qui était aussi le nom du salon de coiffure – y trouvait un sens nouveau.

Tout commença, donc, par une belle après-midi, le samedi 4 septembre 2017 à 15:45 pour être précis. Linda Lovelace était venue pour une coloration. Elle trouvait que Jim, son amant depuis trois mois, commençait à regarder avec un peu trop d’intérêt les passantes court-vêtues, et avait en conséquence décidé de lui faire une surprise, espérant ainsi transformer leur automne en printemps. Après avoir longuement hésité et consulté plusieurs revues de mode, elle avait fini par opter pour une teinte fauve, qui  s’accorderait bien avec ses yeux bleu-verts. Linda était donc confortablement installée dans un fauteuil Eames en cuir noir, attendant qu’Andy apporte la touche finale à une coupe suggérant un drapeau espagnol vu par Kandinsky.

C’est à ce moment qu’elle fut prise de nausée. Un premier haut-le-corps la secoua; le second suivit sur ses talons, sans lui laisser le temps de réagir. Une douleur insoutenable lui saisit l’estomac, remonta le long de sa gorge et un flot de lettres multicolores couvertes de bile jaillit de sa bouche pour aller s’écraser sur le carrelage. Un V violacé, un I incarnat et un O orange sanguine furent bientôt suivis de deux E coquille d’oeuf et d’un C d’un bleu céruléen. Se retournant vers la source de ces étranges borborygmes, Andy et les autres clientes du salon n’eurent que le temps de voir Linda s’effondrer dans un dernier râle, un T turquoise suspendu à la lèvre inférieure. Le vacarme provoqué par la chute du fauteuil fut suivi d’un silence kafkaïen, puis de cris stridents  issus de plusieurs gorges féminines.

Le médecin dépêché sur place ne put que constater les faits et avouer son ignorance totale quant à la cause du décès. Seul indice : un H gris perle retrouvé coincé dans la bouche de la victime.

Une semaine plus tard, une scène semblable se déroula sur un parcours de golf de la banlieue tokyoïte. La victime était cette fois une japonaise de trente-cinq ans, mariée et mère de deux enfants. Aucun témoin n’était présent lors des faits, mais les services d’urgence découvrirent Yoko Hirawa entourée de plusieurs caractères Kanji souillés de salive et de bile.

Quelques jours plus tard, à une terrasse de café bordelaise, c’est un jeune bellâtre, étoile montante de la téléréalité, qui, en plein flirt avec une voisine de table, se mit à éructer des lettres colorées, pour terminer la tête dans le gigantesque verre de Planteur de la belle. Malheureusement trop choquée, la jeune femme ne remarqua pas que les lettres surnageant dans son cocktail formaient le mot star. Cela aurait pourtant permis de faire gagner un temps précieux à l’enquête.

Telle une traînée de poudre, l’émergence de cette épidémie d’un genre nouveau inonda la presse internationale et les réseaux sociaux. Les experts médicaux, courtisés par les médias, se perdirent en circonvolutions absconses destinées à camoufler tant bien que mal leur perplexité. Les politiciens ne firent rien non plus pour rasséréner la population, obnubilés comme toujours par leur vision à court terme et leurs querelles de clocher.

Les rares informations qui finirent par filtrer n’étaient guère encourageantes. La planète entière semblait touchée : la chamarre – ainsi baptisée par un médecin bordelais – tuait apparemment sans distinction de race, couleur ou nationalité. Les vecteurs de sa propagation exponentielle restaient insondables, tout vaccin ou méthode curative hypothétique. Les statisticiens mirent quand même en évidence quelques détails intéressants. Ainsi, l’épidémie avait frappé en Afrique du Sud et au Maghreb, mais l’Afrique Noire était jusqu’ici relativement épargnée, tout comme d’autres régions défavorisées ou isolées du globe : Bangladesh, Népal et Terre de Feu notamment.

La panique grandit avec le nombre des victimes et provoqua quelques catastrophes mémorables. Ainsi, l’hystérie provoquée par un passager, pris d’un malaise à bord du vol ITA527 Rome-New York, coûta la vie à plus de deux cents personnes.

Le fin mot de l’affaire fut finalement découvert inopinément par un fan d’émissions de téléréalité qui, le premier, réalisa que les lettres régurgitées constituaient des anagrammes de shows célèbres. Les émissions de téléréalité, non contentes de s’attaquer au cerveau de leurs afficionados,  s’étaient transformées en armes de destruction massive. Sans un revirement drastique au niveau de la programmation du petit écran, la race humaine était menacée d’extinction !

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Classé dans Fantastique, Plume, SF